Devenir propriétaire: attention aux embûches!

22.06.2021

Au Parlement, des interventions sont en cours pour assurer une meilleure protection des acheteurs. Quiconque veut acquérir ou construire un objet immobilier prend réellement des risques. Le meilleur conseil est toujours le même: tout examiner consciencieusement avant d’acheter.

Jürg Zulliger

Dans la pratique, il n’existe quasiment pas de bâtiment sans défaut. Prenons l’exemple de l’acheteur Philipp M. : en 2006, sa femme et lui ont fait l’acquisition d’une maison individuelle offrant des espaces généreux et une magnifique vue sur les Alpes et le lac de Zurich. Prix d’achat à l’époque: environ 1,6 million de francs, terrain compris. Cependant, le bien présentait divers défauts de construction qui, selon une estimation approximative, s’élevaient à 80 000 francs.

Des défauts du toit jusqu’à la cave

Le revêtement flambant neuf de la cuisine, par exemple, était déjà considérablement endommagé le jour de l’emménagement. Plus embêtant encore, il s’est avéré que de l’eau s’infiltrait à travers le toit. L’humidité, les moisissures et l’odeur causés par ce défaut étaient à la limite du supportable. Quelques mois plus tard, il a été découvert que l’eau s’infiltrait également par le sol. Cette année encore – plus de 14 ans après l’emménagement – des experts étaient sur place pour examiner les dégâts. «En tant qu’acheteurs, sur un plan légal, nous nous sommes vus en bien mauvaise posture», explique Philipp M. (58 ans). D’après lui, les causes principales sont des omissions graves et des travaux bâclés qu’un non-professionnel ne voit pas de l’extérieur au niveau de la façade ou de la toiture.

Le contrat d’achat s’est également avéré être un problème. Dans la pratique, il n’est souvent pas clairement défini si la responsabilité des travaux incombe au partenaire contractuel direct ou aux artisans ou à l’entrepreneur mandatés par ses soins. Même si le vendeur admet certaines erreurs, si, par exemple, l’un des artisans fait faillite ou disparaît dans la nature, le procès se prolonge à n’en plus finir.

Les droits en cas de vices: les interventions à Berne

Des politiciennes et politiciens ont déjà traité activement cette question. Généralement, il s’agit de renforcer la position légale des maîtres d’ouvrage privés et des acheteurs de maisons et d’appartements. Une politicienne du PLR a écrit notamment dans une initiative parlementaire au sujet des modèles de contrats: l’idée qu’un entrepreneur général, par exemple, «cède à l’acheteur» les droits liés à la garantie des vices découlant de travaux mal exécutés fait déjà quasiment partie intégrante des contrats. Cela signifie que l’acheteur qui n’a pas conscience de cette problématique dispose certes de certains «droits» mais, que concrètement, en cas de dommage, il ne sait pas vers qui se tourner. Dans la pratique, les différentes parties prenantes impliquées dans la construction se renvoient la balle mutuellement quand il s’agit d’assumer des défauts. Certains politiciens critiques et quelques professeurs de droit demandent à ce que les acheteurs disposent dans tous les cas d’un droit à une réparation des vices.

Les droits en cas de vices: peu de possibilités de négociation

Dans la pratique, les acheteurs d’appartements se trouvent généralement en position de faiblesse dans la négociation. Il est fréquent, par exemple, qu’un entrepreneur général ou un vendeur important établisse les contrats pour un lotissement entier et que, par souci de simplicité, l’entrepreneur souhaite régler les droits et obligations de façon unilatérale. Dans un tel cas, il y a très peu de marge de négociation. Surtout quand d’autres acheteurs sont également intéressés par l’appartement.

Proposition: des délais plus longs en cas de vices

«Je peux toutefois m’imaginer qu’un prolongement du délai de garantie des vices apporterait quelque chose», déclare un juriste zurichois spécialisé dans le domaine du bâtiment. Un aspect délicat dans le droit actuellement en vigueur est notamment le fait que les défauts visibles doivent faire l’objet d’une réclamation immédiate. Si dans un cas concret la règle largement répandue de la SIA (norme SIA 118) est applicable, un acheteur ou un maître d’ouvrage doit également signaler immédiatement les vices après le premier délai de garantie de deux ans.

Dans la pratique, les règles concernant ces délais et la procédure correcte sur le plan de la forme constituent souvent des embûches pour des personnes inexpérimentées dans ce domaine. S’ajoute à cela que le délai de prescription de cinq ans pour le bâtiment passe généralement très rapidement. L’expérience a montré que les vices les plus importants – comme précisément un défaut d’étanchéité dans un toit plat – se révèlent seulement après la cinquième ou sixième année.

En dépit de tous ces arguments,  à Berne, au Parlement, la situation n’évolue pas beaucoup. On est loin d’une majorité claire en faveur de dispositions légales plus efficaces ou même simplement d’une proposition concrète. Il est donc toujours vivement recommandé pour les acheteurs et les maîtres d’ouvrage privés de procéder à un examen consciencieux de leur partenaire contractuel.

Voici les conseils principaux à prendre en compte dans la pratique lors de l’achat d’un appartement ou de la construction d’une maison:

Embûche no 1: des clauses contractuelles unilatérales

Les clauses des contrats et les conditions générales ne sont formulées ni par l’acheteur ni par des organisations de protection des consommateurs mais par les entreprises de construction et les vendeurs. Ainsi, on retrouve toujours des clauses extrêmement unilatérales: par exemple celles spécifiant que l’entrepreneur général «cède» les droits liés à la garantie des vices au maître d’ouvrage ou à l’acheteur. La question de la légalité d’une telle clause ou de la manière de l’interpréter fait l’objet de vifs débats parmi les juristes. Cependant, dans la pratique, cela veut dire que l’entrepreneur ne veut pas assumer la responsabilité pour son ouvrage; en conséquence, si des vices doivent être réparés, l’acheteur de la maison doit se tourner vers chacun des artisans et sous-traitants.

En tant qu’acheteur, il convient donc de refuser un tel transfert des droits, tout comme d’autres dispositions relativement courantes, comme par exemple une clause contractuelle spécifiant que l’entreprise de construction ne donne les clés à l’acheteur qu’après le règlement de l’ensemble des factures, extras et factures supplémentaires par ce dernier. De telles demandes doivent absolument être rejetées car la bataille est alors perdue d’avance pour l’acheteur s’il souhaite faire valoir des réclamations.

Embûche no 2: avoir omis de demander des références

Quiconque bâtit une maison réalise généralement l’opération la plus importante de son existence. Raison de plus pour mettre un point d’honneur à se procurer des références et par exemple demander un extrait du registre des poursuites. Cependant, bien souvent, les spécialistes sont consternés de constater la naïveté de nombreux acheteurs. Il arrive hélas que des personnes disposant d’une bonne formation versent 50 000 francs d’acompte à un magouilleur notoire du bâtiment pour un terrain qui appartient en réalité à quelqu’un d’autre. On ne le répètera jamais trop souvent: dans le bâtiment, il faut vérifier le sérieux de l’entrepreneur général ou de l’entreprise de construction ou… ne pas acheter.

Embûche no 3: accords et contrats vagues

Un contrat de construction peut par exemple mentionner qu’une date d’emménagement est «souhaitée»; on promet aux acheteurs des baignoires de qualité «usuelle» et parle de «robinetterie suisse» ou d’«installations standards».

Même dans le segment du luxe, la description de l’ouvrage se limite parfois à quelques phrases à peine. Dans un cas précis, d’après les clauses en petits caractères, on a relevé qu’«une prise électrique par pièce» était prévue. Le nouveau propriétaire de l’appartement aura donc toutes les peines du monde à brancher ses lampes et ses appareils après avoir emménagé.

 Embûche no 4: pas de contrôles intermédiaires

Fondamentalement, le maître d’ouvrage devrait laisser la planification, la direction du chantier et la surveillance de la construction aux professionnels. Cependant, bien souvent, ces aspects constituent de bons indicateurs de l’organisation du projet et du respect des délais dans son exécution. Cela apporte une plus grande sécurité à l’acheteur s’il est informé de l’état d’avancement des travaux et impliqué après l’achèvement de certaines étapes importantes (achèvement du gros œuvre, installations techniques de chauffage, installations électriques, livraison de la cuisine, choix des carrelages et sols, etc.).