La valeur locative imputée sera-t-elle bientôt mise aux oubliettes?
Ce n’est pas la première fois que des tentatives politiques sont entreprises pour abolir la valeur locative imputée, très impopulaire auprès des propriétaires. Les chances d’abolir cet impôt spécial suisse sont actuellement bonnes. Mais qui serait gagnant et qui perdant?
Jürg Zulliger
Les propriétaires de biens immobiliers peuvent raconter à qui veut bien l’entendre à quel point l’achat, la possession et plus tard aussi la vente d’un bien immobilier sont sujets à divers impôts et taxes. L’impôt que l’on appelle la valeur locative imputée est particulièrement impopulaire.
Une spécialité suisse: la valeur locative imputée
Si vous vivez dans vos propres murs en Suisse, vos revenus seront alors augmentés d’un «loyer fictif» par les autorités fiscales, un montant que vous n’encaissez pas. Par exemple, si vous obtenez CHF 100 000 d’une activité lucrative et êtes propriétaire de votre logement, vous devrez peut-être payer des dizaines de milliers de francs en impôts supplémentaires – la valeur locative imputée. Selon la valeur fiscale de l’objet et les loyers pratiqués sur le marché local, cela peut faire mal.
En contrepartie, le système fiscal prévoit la déduction des intérêts hypothécaires et des frais de l’entretien du bien immobilier. Toutefois, tous ceux qui n’ont que de faibles coûts hypothécaires, qui réduisent leurs dettes et qui dépensent actuellement peu pour l’entretien du bâtiment sont perdants. De nombreux experts s’accordent aujourd’hui à dire que la valeur locative imputée et les déductions des intérêts des hypothèques créent de fausses incitations. Le système encourage à pérenniser au moins une partie des dettes hypothécaires. En cas de hausse des taux d’intérêt, cela peut se révéler hautement risqué, tant pour les propriétaires que pour les banques.
En résumé, la proposition discutée au Parlement et jugée équitable prévoit ce qui suit:
- La valeur locative imputée de la résidence principale est supprimée. Ceci ne s’applique pas aux maisons de vacances et aux résidences secondaires.
- Les frais immobiliers, d’entretien et les intérêts de la dette ne peuvent généralement plus être déduits comme auparavant (il serait toujours possible de déduire les intérêts de dettes entre 80 ou 100% d’autres revenus de placement, tels que les revenus locatifs d’une résidence secondaire, les revenus de titres, etc.).
- Reste à savoir si les cantons seront encore en mesure d’accorder à l’avenir des incitations fiscales pour certaines mesures (telles que la protection de l’environnement et les économies d’énergie).
- Cependant, tout le monde concorde en affirmant que l’achat de ses propres quatre murs doit être encouragé davantage: les acheteurs de leur premier bien immobilier devraient continuer à pouvoir déduire les intérêts des hypothèques au moins au début (une période de 10 ans est prévue). Toutefois, ces déductions baisseront linéairement jusqu’à un certain montant maximum.
Gagnants et perdants
Quelles en seraient les conséquences? Dans l’ensemble, la plupart des propriétaires de maisons et d’appartements en PPE en profiteraient. Après tout, les prélèvements fiscaux du système précédent étaient considérables. Ce fardeau serait en grande partie éliminé. Surtout les personnes âgées et les retraités vivant dans leurs propres quatre murs seraient massivement soulagés: ils payeront moins d’impôts à l’avenir. Jusqu’à présent, ils ont été punis pour avoir réduit leurs dettes au cours de leur vie. Les personnes âgées de 55 ans et plus ont souvent amorti des hypothèques; en même temps, les personnes dans cette phase de la vie ne dépensent généralement pas des sommes trop élevées pour l’entretien (déductible) des bâtiments.
Les acheteurs de vieux bâtiments et les personnes qui dépensent des sommes importantes pour des rénovations par contre seraient désavantagés. De telles dépenses ont été très intéressantes d’un point de vue fiscal jusqu’à maintenant. Toutefois, à l’avenir, ils n’allégeront plus leur facture d’impôt comme avant. Les acheteurs de leur premier bien immobilier devraient être considérés sous un angle différent: il est fort possible qu’ils seraient mieux lotis si le système était modifié. Cela est vrai au moins tant que les taux d’intérêt hypothécaires restent aussi bas qu’ils le sont aujourd’hui, et tant qu’ils n’ont pas à dépenser trop d’argent pour des rénovations. Toutefois, si les taux d’intérêt étaient nettement plus élevés à l’avenir, les nouveaux acheteurs ne bénéficieraient pas d’un changement de système.
Aucune opposition majeure n’est attendue
Conclusion: le vent a tourné au Parlement et un changement de système semble politiquement possible. Même d’importantes associations industrielles (industrie de la construction, banques) et le milieu des affaires ne se sont pas encore prononcés contre un changement de principe du système. Après tout, les banques doivent s’attendre à ce que le volume des hypothèques diminue. Toutefois, il faudra encore un certain temps avant qu’un changement de système ne soit appliqué. La nouvelle loi peut même mener à un référendum. Les chances de succès sont certainement supérieures à 50 pour cent. Mais les dés n’ont pas encore été jetés.
Aucun changement n’est prévu avant 2020 ou 2021. Cependant, quiconque planifie des rénovations, même plus importantes, sera bien avisé de les mettre en œuvre avant que le système ne change. À l’heure actuelle, les rénovations et l’entretien des bâtiments qui préservent la valeur sont encore extrêmement intéressants du point de vue fiscal.
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