Construction durable: comment réussir la révolution verte grâce au bois et à l’argile?

Bernhard Bircher-Suits et Agustina Balmer

Selon SuisseEnergie, les près de 2,3 millions de bâtiments que compte la Suisse accaparent environ la moitié de la consommation énergétique du pays. Qui plus est, l’immense parc immobilier est responsable d’environ un tiers des émissions de CO2 nationales. Le secteur du bâtiment consomme également énormément de ressources matérielles, produit des déchets et pollue l’environnement.

Les bâtiments anciens doivent être rénovés sur le plan énergétique

Selon la volonté du Conseil fédéral, notre pays ne devrait plus émettre, en fin de compte, de gaz à effet de serre nuisibles au climat à partir de 2050, conformément à la Stratégie énergétique suisse. Si la Suisse veut atteindre cet objectif, les bâtiments anciens devront être rénovés sur le plan énergétique et les nouvelles constructions devront être construites de manière plus écologique et durable. L’un des grands problèmes en matière de construction et de transformation est que la production de matériaux de construction tels que le ciment et les briques nécessite beaucoup d’énergie et pollue l’environnement.

Le bois présente un écobilan excellent

Le bois suisse présente, quant à lui, un écobilan excellent et joue donc un rôle de plus en plus important dans la construction durable, notamment au regard des objectifs climatiques de la Suisse. La production, la transformation et le transport du bois nécessitent peu d’énergie. De plus, le bois est facile à travailler, très solide et exempt d’émissions. Comparé à d’autres matériaux de construction, le bois est en outre un bon isolant thermique. 

La construction en bois profite également de conditions-cadres légales adaptées

L’Office fédéral de l’environnement conclut dans l’Annuaire «La forêt et le bois 2021» que «La demande de construction en bois (ou hybrides) regagne régulièrement en importance, notamment à la suite de l’adaptation du cadre légal (p. ex. suppression de la discrimination du bois dans les nouvelles prescriptions de protection contre les incendies dans le secteur du bâtiment), mais aussi grâce au niveau de qualité élevé de la construction en bois en Suisse en comparaison internationale et à son attractivité grandissante (flexibilité, avantages statiques pour les surélévations dans le cadre de la densification du milieu bâti, durée des travaux réduite) ainsi qu’aux campagnes de sensibilisation, notamment en faveur de la construction durable.»

Utiliser davantage de bois de construction suisse

Toutefois, dans la construction suisse, la part de bois est encore faible et la part d’importation élevée. Selon l’association professionnelle Holzbau Schweiz, la part de bois dans les structures porteuses, toutes catégories de bâtiments confondues, n’est que d’environ 15% au total (état 2021). En Suisse, la consommation annuelle de bois, y compris le bois importé, s’élève à environ 11 millions de mètres cubes. Seulement la moitié environ du bois consommé provient de forêts suisses. Pourtant, ces dernières pourraient en fournir bien davantage. Selon l’avis des experts, la Suisse pourrait récolter jusqu’à 8 millions de mètres cubes de bois sans enfreindre les règles de la gestion durable des forêts. Si la Suisse souhaite sérieusement atteindre la neutralité climatique dans le domaine de la construction, elle devra à l’avenir recourir davantage au bois, idéalement en provenance de forêts suisses.

Le bois peut même être utilisé pour les grands immeubles

Le matériau de construction bois fait également ses preuves dans les bâtiments de grande hauteur: Ainsi, la société ERNE AG Holzbau a par exemple construit l’immeuble de bureaux de dix étages «Suurstoffi 22» à Risch-Rotkreuz (ZG) en construction mixte bois-béton – sur mandat de Zug Estates SA. Il s’agit de la première tour en bois de Suisse. Le cabinet Burkard Meyer Architekten de Baden (AG) était responsable de l’architecture. Si le bois est une matière première renouvelable idéale, il est loin d’être le seul matériau permettant de construire dans le respect du climat. Marlen Egloff, responsable marketing et communication chez ERNE AG Holzbau à Laufenburg (AG), explique: «L’argile présente elle aussi des émissions de CO2 minimales et est disponible presque partout. L’important est que chaque matériau, avec ses propriétés individuelles, soit utilisé au bon endroit.» Selon elle, la faisabilité de construire avec du bois et de l’argile est prouvée depuis longtemps.

La construction durable requiert une bonne planification

Dans le cadre d’un projet de construction, les maîtres d’ouvrage soucieux de l’environnement doivent prendre les décisions pertinentes pour l’environnement dès la phase de planification. Ainsi, il convient par exemple d’éviter, dans la mesure du possible, les longs trajets de transport pour toutes les rénovations et les constructions neuves. En faisant appel à des partenaires de construction locaux, on économise non seulement des trajets et des frais de transport, mais aussi du CO2. Marlen Egloff d’ERNE AG Holzbau déclare: «Le donneur d’ordre doit avant tout s’informer en amont et de manière exhaustive. À cet effet, nous proposons par exemple la manifestation "Freitags bei ERNE". À cette occasion, les personnes intéressées ont droit à une visite guidée de nos halles de production, découvrent la planification et la fabrication numériques, peuvent poser des questions sur les matériaux et les processus de construction et, si elles le souhaitent, visiter des ouvrages de référence.» Les offres de ce type sont idéales pour se faire une meilleure idée de ce que signifie concrètement la construction en bois respectueuse du climat et durable.

L’efficacité énergétique est de mise

Toutefois, si l’on souhaite rénover ou construire de la manière la plus écologique possible, il ne faut pas seulement se préoccuper du type de matériaux de construction utilisés. L’efficacité énergétique joue également un rôle important. Une meilleure isolation peut réduire de plus de moitié les besoins en chaleur d’un bâtiment ancien, tandis qu’un passage aux énergies renouvelables pour le chauffage peut quasiment réduire à néant les émissions de CO2. Un bâtiment moyen construit entre 1950 et 1980 perd près d’un tiers de l’énergie thermique produite via le toit. Un autre tiers s’échappe par la façade. La chaleur restante fuit par les fenêtres ou par la cave. Par conséquent, si l’on souhaite rénover un bâtiment ancien de manière efficace sur le plan énergétique, il est préférable de s’attaquer à ces fuites d’énergie.

Le Certificat énergétique des bâtiments et les normes de construction Minergie aident à la planification

Le Certificat énergétique cantonal des bâtiments (CECB) indique, pour les bâtiments existants, la quantité d’énergie dont un bâtiment a besoin en exploitation normale. Ce besoin énergétique est indiqué en classes de A à G sur une étiquette-énergie. Un CECB est un outil de planification pratique pour les projets de transformation et de rénovation. Le standard de construction suisse Minergie aide par ailleurs à prendre en compte et à respecter les aspects d’une construction efficace sur le plan énergétique. Les constructions Minergie se distinguent par des besoins énergétiques très faibles et une part importante d’énergies renouvelables. Les trois normes de construction Minergie, Minergie-P et Minergie-A garantissent une efficacité maximale dès la phase de planification. La mention «ECO» permet en outre de prendre en compte les aspects de santé et d’écologie dans la construction. Le Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC 2014) aide également à la planification de la construction, certaines des prescriptions étant même ancrées dans la loi.

Objectif: une économie circulaire «zéro déchet»

N’oublions pas que le secteur de la construction est responsable de la plus importante partie des déchets en Suisse. Chaque année, la démolition de bâtiments génère quelque 7,5 millions de tonnes de déchets. Seuls 10% de ces déchets sont réintégrés dans le cycle des matériaux. Pourtant, la qualité des matériaux de construction recyclés est équivalente à celle des matériaux de construction traditionnels. Ainsi, quand on choisit un partenaire de construction, il est important de vérifier dans quelle mesure il utilise par exemple du béton contenant des matières premières secondaires. En effet, le «béton recyclé» permet de réduire l’empreinte carbone d’un projet de construction. En tenant compte des conseils suivants, les donneurs d’ordre s’assurent que leur projet de construction contribue à la révolution verte en Suisse et fait perdurer la mégatendance vers la néo-écologie. 

Conseils pour la construction et la rénovation durables

• Choix du partenaire: tes partenaires de construction devraient partager autant que possible ton désir de durabilité, d’efficacité énergétique et d’écologie de la construction. Recherche résolument des entreprises ayant des projets de référence existants, des certificats (Minergie) reconnus, une expérience pratique et une économie circulaire opérationnelle. 
• Conseil en énergie: renseigne-toi pour savoir si ta commune ou le canton proposent un conseil en énergie et, le cas échéant, le (co)financent.
• Analyse de la situation actuelle: fais appel à des spécialistes pour réaliser une analyse de la situation actuelle d’un bâtiment existant. Pour les biens immobiliers plus anciens, il peut être intéressant d’établir un rapport «CECB Plus».
• Programme Bâtiments: avec le Programme Bâtiments, la Confédération et les cantons entendent réduire la consommation d’énergie et les émissions de CO2 du parc immobilier suisse. Le Programme Bâtiments te permet d’obtenir des subventions pour des mesures de construction efficaces sur le plan énergétique.
• Privilégier les matériaux de construction locaux: des matériaux de construction tels que le bois ou l’argile provenant de Suisse présentent un écobilan excellent. En tant que donneur d’ordre, demande à tes partenaires de construction quels matériaux de construction ils utilisent et où ils se les procurent. En optant pour des matériaux de construction locaux, tu ne protèges pas seulement l’environnement, mais tu soutiens également l’économie locale. Les trajets de transport courts sont synonymes de réduction des coûts et des gaz à effet de serre. 
• Systèmes de domotique intelligents: les systèmes domotiques intelligents aident à économiser de l’énergie, à contrôler l’éclairage, la cuisinière, etc. Les économies d’électricité sont ainsi grandement facilitées. Demande à tes partenaires dans quelle mesure ils peuvent intégrer des commandes intelligentes dans le projet de construction.
• Impôts: les particuliers peuvent déduire de leur revenu imposable les travaux de rénovation et de transformation préservant la valeur. En revanche, les travaux augmentant la valeur ne sont pas déductibles, à l’exception des investissements permettant d’économiser de l’énergie.
• Isolation thermique écologique: les matériaux isolants naturels et les vitrages multiples te permettent de conserver la chaleur dans le bâtiment en respectant l’environnement. Assure-toi que tes partenaires de construction veillent à la durabilité et à la recyclabilité. Les matériaux isolants dont la production consomme peu d’énergie et qui sont biodégradables conviennent parfaitement. Demande par exemple des matériaux d’isolation comme la cellulose, le coton, le chanvre ou la paille.